vendredi 14 novembre 2014

Préambule




Observons ce touriste déambulant à Lille, entre la rue de Paris, la rue du Molinel et l’Hôtel de Ville.




 Rue de Paris et l'Hospice Gantois - Photo H. Lépée août 2014

  Guide à la main, il s’extasie sûrement devant les bâtiments de l’ancien Hospice Gantois à l’architecture datant du XVe siècle. 

   À la droite de ce remarquable édifice, deux étranges maisons aux silhouettes flamandes sont en construction. Tout autour, à 180°, s’étirent des immeubles et des bâtiments administratifs d’une grisaille tout émergée des  années 60 et 70.

Que s’est-il passé ? Un bombardement ?



Continuant son chemin, l’œil du visiteur s’arrête sur l’élégante porte de Paris, arc de triomphe élevé à la fin du XVIIe par l’architecte Simon Vollant à la gloire de Louis XIV qui vient de rattacher Lille à la France.
 

La porte se dresse au milieu d’une place bordée de maisons haussmanniènes que dominent le beffroi de l’Hôtel de Ville, qui culmine à 104 mètres, inauguré en 1932.










La Porte de Paris encore enserrée dans les remparts - Bibliothèque municipale de Lille (BML), réf. lef0012pag101pho107


 Hôtel de Ville de Lille - carte postale, collection particulière

L’esprit de notre visiteur se trouble de nouveau, cherchant en vain des repères qui témoigneraient d’un lien entre ces architectures si différentes. Il longe à présent les bâtiments de l’Hôtel de Ville de style néo-flamand,  qui bordent la rue du Réduit. 

 

À l’opposé s’ouvre bientôt un jardinet qui dissimule derrière ses arbres un petit fort militaire, contemporain à la porte de Paris, construit autour d’une chapelle en pierre blanche de style classique : c’est le Fort Saint-Sauveur, également nommé Fort du Réduit, apprend-il.


Ci-dessus : le Fort du Réduit - photo H. Lépée

Plus loin, une étrange tour semble abandonnée au milieu de constructions modernes. Elle est composée de matériaux étrangement hétéroclites : la Noble Tour, lui dit un passant, seul vestige des fortifications médiévales de la ville...

Ci-contre : la Noble Tour - photo H. Lépée
 






L’étranger, contournant l’Hôtel de Ville, débouche rue Saint-Sauveur bordée de bâtiments administratifs construits dans les années 1960. Derrière des constructions basses et cubiques, il découvre un reste d'un ancien hôpital, l'hôpital Saint-Sauveur, et une église à l’architecture néo-byzantine : c’est l’église Saint-Sauveur.




 Église Saint-Sauveur, carte postale - collection particulière



S’approchant du portail, il comprend que l’église, construite à la fin du XIXe à la suite d’un incendie ayant totalement détruit l’édifice précédent, est fermée car ses voûtes menacent ruine… 





          
Le Pavillon Saint-Sauveur, vestige de l'hôtel éponyme

Perplexe, son pas le mène aux intersections d’avenues surplombées de constructions modernes, parfois démesurées, d’où émane une réelle mélancolie.

Mais une autre surprise l’attend au prochain carrefour : 




Entrée de la rue des Brigittines, rue Gustave-Delory - Photo H. Lépée

là, rue Gustave-Delory, un rang de maisons anciennes, du XIXe pour la plupart, disparates, riantes, borde la voie, comme les seuls témoins d’un passé soudainement disparu. Au milieu, une voûte datée de 1673 donne accès à une impasse étroite, un calme béguinage : la rue des Brigittines.




 
Notre personnage quitte à présent ce curieux endroit pour rejoindre le point de départ de sa visite, rue de Paris. Cette partie de rue, de ce côté du trottoir, conserve le temps de quelques maisons l’éclectisme du rang de la rue précédente. Mais très vite, entre un immeuble tout récent coloré d’un rouge-brique presque agressif, et un autre datant des années 60, d’une banalité et d’une tristesse infinie, s’ouvre un vieux chemin pavé menant à un porche daté de 1626.
Le porche s’ouvre sur un bel hôtel particulier de style classique édifié au début du XVIIIe siècle : le refuge de l’abbaye de Marchiennes.

Refuge de l'Abbaye de Marchiennes - Photo H. Lépée


Tout étonné par cette visite hétéroclite, le promeneur arpente encore un temps cet étrange quartier pour tenter d’y trouver la clef de l’énigme.

Mais que s’est-il passé ici, entre la fin du XIXe siècle et 1932, date de l’inauguration de l’Hôtel de Ville ?

La guerre, conclut-il.




Aujourd’hui, lorsque l’on cherche sur Internet des renseignements sur le quartier Saint-Sauveur de Lille, les moteurs de recherches nous dirigent inlassablement sur l’ancienne gare Saint-Sauveur convertie depuis quelques années en espaces de loisirs et d’expositions.


Ce bâtiment cache derrière lui une zone d’une vingtaine d’hectares, ancien terminal de transport combiné. Un tel espace libre de toute occupation, situé entre l’Hôtel de Ville, Euralille et le parc Jean-Baptiste Lebas, est une aubaine pour la capitale des Flandres pour y projeter un futur nouveau quartier.


Comment nommera-t-on ce nouveau quartier ? Si l’on prend la peine, une nouvelle fois, de se laisser guider par nos incontournables moteurs de recherches, ils nous mènent inexorablement vers des articles de presse évocateurs du futur quartier Saint-Sauveur…


Ainsi, après avoir rasé entre 1920 et 1980 un dixième de la ville de Lille, tenterait-on aujourd’hui, comme pour éradiquer une fois pour toute le souvenir amer de la destruction d’un de ses plus anciens quartiers, de lui arracher son nom pour le jeter en pâture aux architectes du XXIe siècle.


Qu’a-t-il donc fait, notre quartier Saint-Sauveur, pour mériter un tel destin ?


Nous essaierons dans un prochain ouvrage de faire revivre au cours des siècles ce quartier remuant, pittoresque et populaire, selon les mots d’Alain Lottin, de rendre hommage au peuple qui l’habitait.



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